Jeudi noir pour Sarkozy
Journée de grèves et de manifestations dans toute la France ce jeudi. Nicolas Sarkozy affronte sa première tempête sociale.
- Publié le 29-01-2009 à 06h00
Les huit syndicats, exceptionnellement unis, s'attendent à une démonstration de force «très impressionnante», lors de cette journée de contestation, véritable fourre-tout du mécontentement. Un test crucial pour l'omniprésident. Sarko affronte sa première grosse tempête sociale. Plus la mobilisation sera forte, plus l'alerte sera chaude.
Le moteur de la contestation : un sentiment d'injustice et d'inquiétude face à un gouvernement «qui n'avait plus un centime il y a un an»
et qui «a trouvé les milliards nécessaires pour sauver le système bancaire»
. «Les salariés ont le sentiment de payer par leur emploi, leurs salaires, leurs droits sociaux, une crise dont ils ne sont aucunement responsables», résume François Chérèque, dirigeant de la CFDT.
Le mouvement recueille un élan de sympathie rarement vu. Selon deux sondages CSA et Ifop, de 69 % à 75 % des Français l'approuvent contre seulement 12 % qui se disent hostiles.
La grogne dépasse le cadre syndical. En réalité, la crise économique amplifie l'incertitude, exacerbe le ras-le-bol dans tous les domaines. On retrouvera aux côtés des salariés et des fonctionnaires, des magistrats opposés à la suppression des juges d'instruction, des chercheurs, des enseignants qui ont pourtant obtenu le report de la réforme des lycées mais s'indignent des 13500 suppressions de postes prévues en 2009, l'audiovisuel public vent debout contre la réforme du secteur passée en force, des retraités, des chômeurs... Cinq fédérations syndicales des banques et des sociétés financières appellent également à manifester. Même à la Bourse, l'intersyndicale demande aux salariés d'Euronext de descendre dans la rue pour la sauvegarde des emplois.
Un cri d'alarme
La plupart de ces secteurs ont fait l'objet de profondes réformes au pas de charge depuis l'arrivée de Sarkozy. L'Élysée décide de tout. Normal que le président focalise les colères. «Sarkozy ne sait pas ce que vivent les gens. Il vit en dehors de la société. C'est un juriste de Neuilly conseillé par des banquiers», accuse Martine Aubry.
Signe de l'étendue du malaise : l'«Appel des appels» signé par 20 0000 personnes et publiés à la Une de Libération vendredi dernier. Dans ce texte, professionnels de la santé, universitaires, psychiatres, magistrats, enseignants ou chercheurs lancent un cri d'alarme «contre les conséquences sociales désastreuses des réformes» lancées par Sarkozy et mettent en garde contre «une souffrance sociale qui ne cesse de s'accroître». Ils dénoncent aussi «les politiques gouvernementales qui les ont enfermés dans des logiques de marché et de pénurie».
Les signataires ont prévu de se réunir à Paris le 31 janvier pour envisager la suite à donner à leur initiative sans précédent.
La crainte du «suraccident»
La suite, c'est bien ce qui inquiète l'Élysée. Les syndicats ne comptent pas en rester là. Sarkozy est sur le qui-vive. Il redoute par-dessus tout le «suraccident»
, l'extension du conflit, aux jeunes notamment. L'homme de la rupture veut éviter l'étincelle qui mettrait le feu au pays. L'Élysée et Matignon se disent attentifs au mal-être exprimé dans la rue. Après les «quand il y a une grève en France, plus personne ne s'en aperçoit» ou «j'écoute, mais je ne tiens pas compte»
, le changement de ton est saisissant. Mais tout le monde ne fait pas profil bas dans la majorité. Le ministre du Budget, Éric Woerth, a condamné les personnes qui s'apprêtent à suivre la grève : plutôt que de manifester, les mécontents devraient «se serrer les coudes» et «se remonter un tout petit peu les manches»!